Bref historique de la viticulture en Languedoc Roussillon
La viticulture existe dans notre région depuis l'Antiquité. Mais elle ne prend une place considérable en Languedoc qu'au milieu du XIXème siècle puisque l'étendue du vignoble double presque entre 1840 et 1860. Le développement de la viticulture languedocienne s'explique surtout par la mise en place du chemin de fer au XIXème siècle qui permet d'exporter le vin de la région vers les grandes villes industrielles.
Cependant à la fin du XIXème siècle, le vignoble languedocien est ravagé par le phylloxéra qui fait pourrir les souches. Cette crise provoque une production insuffisante de vin. Pour faire face à cette pénurie, un vignoble est créé en Algérie et une grande quantité de vin étranger est importé en France. De plus, du vin artificiel est fabriqué avec du sucre et des raisins secs.
Vers 1900, après la reconstitution du vignoble languedocien, le vin se vend mal ; les vignerons languedociens produisent beaucoup trop, ce qui provoque la baisse des prix.
C'est dans ce contexte de nouvelle crise qu'éclate la révolte des vignerons en 1907.
Qui était Marcelin Albert ?
Marcelin Albert est né à Argeliers (Aude) le 29 mars 1851. C'est un vigneron modeste, doté d'une solide instruction. Il aime beaucoup le théâtre et participe lui-même à des troupe d'amateurs. Il sait parler avec assurance devant un auditoire. Avant 1907, il est déjà sensible aux problèmes viticoles. Il préconise la taxation du sucre, la démission des élus et la grève des impôts pour se faire entendre.
Le 11 mars 1907, il est élu président du comité de défense viticole d'Argeliers. Dès lors, pendant 3 mois, il devient le porte-parole emblématique de la contestation viticole. Sa popularité ne cesse de grandir. Mais Marcelin Albert, républicain dans l'âme, n'est pas un homme politique ; il n'appartient à aucun parti, ce qui fait de lui un homme consensuel pour quelques temps. Après les fusillades meurtrières de Narbonne de juin 1907, il tente de négocier directement avec Clémenceau. Cette initiative personnelle entraîne son discrédit aux yeux d'une opinion publique savamment instrumentalisée par le pouvoir en place. Il est désormais marginalisé au sein d'un mouvement qu'il avait porté depuis son origine. Il ne participe pas à la création de la Confédération générale des Vignerons et, progressivement, son nom tombe dans l'oubli. Il meurt dans son village natal le 12 décembre 1921.
La révolte vigneronne de 1907
Causes de la crise viticole
Au début de 1907, la viticulture languedocienne vit une situation difficile. En effet, les fortes récoltes des années précédentes provoquent une baisse des prix. Les vins de la région sont également concurrencés par les importations de vin, en particulier ceux d'Algérie, et par les vins produits artificiellement.
Chronologie des évènements
Le 11 mars 1907, Marcelin Albert, propriétaire d'Argeliers, entraîne 87 vignerons à Narbonne où se réunit la commission d'enquête parlementaire sur la crise de la viticulture du Midi. Ces derniers créent un comité de défense viticole et organisent des manifestations. De fin mars à début juin, le nombre de manifestants ne cesse d'augmenter : à Sallèles d'Aude, il y en a 300, à Montpellier, deux mois plus tard, il y en a entre 600 000 et 800 000. Début juin, le comité d'Argeliers donne l'ordre de grève des impôts et de la démission des municipalités. Le mouvement des démissionnaires s'étend rapidement : 442 municipalités démissionnaires dans les quatre départements viticoles de la région.
Le 18 juin, des régiments et des renforts de gendarmerie sont envoyés dans le Midi. Le lendemain, les membres du comité d'Argeliers (à l'exception de Marcelin Albert) et le docteur Ernest Ferroul, maire de Narbonne, sont arrêtés et emprisonnés à Montpellier.
A Narbonne, dans la soirée, la sous-préfecture est attaquées par des manifestants. Les cuirassiers chargent ; ils tuent un homme et blessent plusieurs dizaines de personnes. Le 20 juin, l'armée tire à nouveau sur la foule, faisant 5 morts et une autre dizaine de blessés. Le 23 juin, Marcelin Albert se rend à Paris pour rencontrer Clémenceau, chef du gouvernement. Celui-ci lui offre un billet de 100 francs pour rentrer à Argeliers puis le ridiculise dans la presse. Discrédité, Marcelin Albert se constitue prisonnier à la maison d'arrêt de Montpellier. Le 2 août, Ernest Ferroul, les membres du comité d'Argeliers et Marcelin Albert sont libérés.
Conséquences de la crise viticole
Les 15 juillet et 29 juillet sont votées des lois contre la fraude. Elles réglementent le sucrage et imposent les déclarations de récolte et le contrôle de la circulation des vins. Une confédération générale des viticulteurs est fondée le 22 septembre sous la présidence d'Ernest Ferroul. Elle lutte contre les fraudes.
La crise de 1907 a aussi favorisé la multiplication des caves coopératives viticoles et a marqué l'histoire de notre région puisque régulièrement, les viticulteurs languedociens sont confrontés à la mévente du vin. Ainsi en 1976, la colère vigneronne aboutit aux tragiques évènements de Montredon des Corbières où deux personnes furent tuées.
Ce texte est le fruit d'un travail mené en 2006 - 2007 par des élèves et des professeurs.